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Diversité dans les médias français : interview avec Pascale Colisson

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Pascale-Colisson

Pascale Colisson est responsable pédagogique à l’Institut Pratique du Journalisme de l’Université Paris-Dauphine et détient un diplôme en journalisme.

Elle a acquis une solide expérience en tant que journaliste pendant 25 ans, se spécialisant principalement dans les sujets liés à l’économie et au social dans le monde du travail. À l’IPJ-Dauphine, elle est également mandatée pour mener une mission sur l’égalité et la lutte contre les discriminations et les violences sexistes et sexuelles. Dans le cadre de cette mission, elle a mis en place un programme pédagogique visant à sensibiliser les étudiants en journalisme à ces questions et partage ses bonnes pratiques avec d’autres écoles de journalisme. Elle vient de finaliser une thèse sur la diversité dans les médias en approfondissant la question de la place dans les rédactions et de la représentation médiatique des groupes sous-représentés tels que les femmes, les personnes racisées, les habitants des banlieues, les personnes de confession musulmane, les personnes LGBTQ+, etc.

Qu’est-ce qui vous a poussé à vous investir dans les sujets liés à la diversité au sens large ? Pourquoi n’aimez-vous pas ce mot « diversité » ?

La notion de diversité est beaucoup utilisée, mais elle est floue et sujette à débat. Il n’existe pas de réelle définition sur ce qui doit être inclus dans cette notion et chacun l’interprète à sa façon. Certains considère qu’il s’agit d’origine sociale, d’autres se positionnent sur des critères ethniques ou d’orientation sexuelle, de handicap. Parfois, ces critères se croisent. Par ailleurs, cette lecture s’inscrit dans un contexte français qui privilégie une approche universaliste et républicaine, privilégie un principe intangible d’égalité. Mais si cette approche correspond à un idéal souhaité, elle ne permet pas toujours de prendre la mesure des discriminations liées à certains critères ou situations, discriminations bien réelles, qui ont un impact sur les individus.

Le terme diversité a été vu dans les années 2000, dans un contexte marqué par les émeutes de 2005 et la relégation des habitants de banlieue. Les autorités publiques ont alors pris conscience que la question de l’intégration dépendait de la mise en place d’actions visant à l’inclusion des personnes concernées afin qu’elles se sentent pleinement citoyennes de la République.

Dans les années 2000, la notion de diversité a été intégrée dans les discours des chefs d’entreprise et des entrepreneurs. L’expression « la promotion de la diversité » a progressivement remplacé celle de la lutte contre les discriminations, mais peut être interprétée de manière très variable. En effet, les recherches ont montré que lorsqu’on interroge les DRH et d’autres acteurs de l’entreprise sur ce qu’ils entendent par diversité, les réponses peuvent être très différentes. Une approche intersectionnelle s’avère donc pertinente pour comprendre les différentes dimensions de la discrimination. Dans ce contexte, la diversité peut être définie comme incluant toutes les personnes appartenant à un groupe minoritaire ou minorisé, qui sont susceptibles de vivre des discriminations, y compris les femmes qui, bien qu’elles ne soient pas un groupe minoritaire, sont souvent minorisées dans leur vie professionnelle.

Vous êtes en train de finaliser une thèse portant sur la diversité dans les médias français, pouvez-vous en parler ? Quels constats tirez-vous de ce travail long de plusieurs mois ? Les médias et journalistes français ont-ils encore un long chemin à parcourir selon vous ?

La diversité dans les médias est un sujet complexe qui nécessite une approche globale pour être résolu. Les médias basent souvent leur politique de diversité sur le recrutement en alternance et demandent aux écoles de journalisme de leur proposer des candidats et candidates répondant à certains critères, en particulier de bourse ou de handicap. Même si les école ont travaillé sur leur ouverture sociale, en particulier en faisant évoluer les épreuves de leur concours d’entrée, elles ne peuvent pas compenser toutes les inégalités d’accès à l’enseignement supérieur qui ont lieu en amont. Par ailleurs, au-delà de l’alternance, les pratiques de recrutement des médias, qui relèvent souvent d’un marché caché et de l’entre-soi, ne permettent pas à certains candidats ou candidates d’avoir accès aux opportunités de poste.

Il est donc important de mettre en place une politique cohérente et globale de diversité dans les médias, dans le cadre d’une collaboration entre les ressources humaines et les opérationnels décisionnaires, pour permettre à tous les étudiants ou les journalistes plus confirmés d’avoir une chance égale d’arriver jusqu’aux médias, indépendamment de leur situation financière ou géographique.

Ces dernières années, plusieurs associations de journalistes ont vu le jour pour sensibiliser la profession à ces questions, qu’il s’agisse de l’accès des journalistes à tous les postes ou des biais et stéréotypes dans le traitement médiatique. Parmi elles, on peut citer l’association Prenons la Une, qui se consacre à la place des femmes dans les médias, l’association AJL, qui traite des questions de genre LGBTQI+, et la toute récente association AJAR, qui s’intéresse aux journalistes victimes de racisme et de discriminations. Cette dernière a fait l’objet de critiques, car vue comme ayant une approche communautariste, de la part de professionnels peinant à prendre conscience de certaines situations, dans une difficile remise en question de leurs propres pratiques. Néanmoins, l’association a recueilli de nombreux témoignages de journalistes ayant subi du racisme dans leur travail, ce qui contribue à secouer le monde des médias. Cette évolution s’inscrit dans une prise de conscience lente, mais inéluctable, comme en témoigne le sujet de ma thèse, mais le chemin vers l’égalité réelle est encore long.

Quels conseils donneriez-vous aux professionnels de la communication pour être plus en phase avec la vision de la diversité, de l’équité et de l’inclusion que vous défendez ?

Si vous cherchez à être plus en phase avec la vision de la diversité, de l’équité et de l’inclusion, il est important de comprendre sur quels champs se positionnent les journalistes de la nouvelle génération. Ces professionnels de l’information sont particulièrement sensibles aux enjeux de diversité et d’inclusion dans le contenu de l’information. Il est donc primordial que les professionnels de la communication évitent de véhiculer des stéréotypes sexistes ou discriminatoires dans leurs messages, ce qui pourrait amener ces jeunes journalistes à ne pas souhaiter reprendre et développer le contenu d’un communiqué de presse qui n’est pas en phase avec leurs valeurs.

Les professionnels de la communication doivent donc être conscients de ces nouvelles attentes sociétales, et adapter leur communication en conséquence pour promouvoir des valeurs inclusives.