S’inquiéter de l’influence d’une génération dont les plus anciens sont encore à l’école primaire et les plus jeunes n’ont pas encore vu le jour peut sembler un peu tiré par les cheveux. Pas tant que cela. En fait, il y a de quoi s’inquiéter.
Parce que la génération alpha est bien là.
Et ces mini-humains (et humaines) font déjà une sacrée différence.
Le terme génération alpha est une invention du chercheur en sciences sociales australien Mark McCrindle, qui l’a utilisé pour désigner les personnes nées à partir des années 2010. Digne héritière de la génération Z, c’est la première génération qui n’aura jamais connu que le XXIe siècle. D’après Mark McCrindle, chaque semaine, environ 2,5 millions d’alphas viennent au monde.
Lorsque le dernier « enfant de millennal » verra le jour en 2025, on dénombrera environ 2 milliards d’alphas sur la planète… Et les marketeurs et démographes seront déjà en train de réfléchir à l’arrivée de la génération suivante – en toute logique, la génération bêta ?
Mais ne mettons pas la charrue avant les bœufs, d’autant que comprendre les alphas devient une priorité.
Une impressionnante diversité
L’une des notions clés dont il faut prendre toute la mesure, c’est l’impressionnante diversité de cette génération. Les données démographiques indiquent par exemple que les États-Unis se diversifient de plus en plus d’un point de vue ethnique. Le recensement des États-Unis de 2020 devrait révéler que le pays de l’oncle Sam bat des records en la matière puisqu’aucun groupe ethnique ne devrait représenter plus de 50 % de la population d’ici 2045.
Et cette diversité grandissante se reflète dans les prénoms, beaucoup plus variés. Dans les années 1950 par exemple, le prénom féminin le plus courant, Mary, a été donné à 626 000 enfants. Mais pour que les Emma prennent la tête du classement entre 2010 et 2018, il n’y a dû y avoir que 177 000 bébés Mary. La société actuelle est bien plus multiculturelle et individualiste qu’à l’époque où les baby-boomers faisaient leurs premiers pas.
Pour mieux comprendre cette génération embryonnaire, Hotwire, agence de communication mondiale, a commandé une étude auprès de trois groupes distincts : les enfants alphas (7-9 ans), les adultes millennials (24-42 ans) et les baby-boomers (55-73 ans). Publiés dans le rapport Generation Alpha: The Most Diverse Generation Yet (Génération Alpha, la plus diverse d’entre toutes), les résultats sont édifiants.
L’exemple de la crème glacée
La façon dont les alphas voient le monde est conditionnée par une abondance de choix. Cela s’applique à de nombreuses catégories, mais prenons l’exemple de la crème glacée, pour faire simple.
Lorsque l’on a demandé à des grands-parents baby-boomers quels étaient leurs parfums de glace préférés, ils en ont cité 50, avec des saveurs naturelles telles que la vanille, la pistache et la banane. Les millennials en ont donné 56, avec une complexification des saveurs assez flagrante (cookie dough et cookies and cream). Les enfants alpha ont établi une liste astronomique de 75 parfums, parfois « totalement inédits tels que licorne, jamocha, bonbon à la menthe et thé vert. »
Ces enfants-là ne se contentent pas de la vanille. Les patrons de marques et les communicants doivent comprendre que les alphas sont presque programmés pour le choix et l’innovation. Aucun parent ayant été victime de l’insistance de ses enfants ne dira le contraire : ils ont des avis très tranchés et peuvent se montrer incroyablement persuasifs. Et cela ne concerne pas uniquement les jouets et les sucreries puisqu’ils ont de plus en plus d’influence sur les décisions d’achat dans des domaines tels que les technologies, par exemple.
Malgré leur jeune âge, les alphas ont des avis très arrêtés sur certaines des plus grandes problématiques mondiales d’aujourd’hui. Beaucoup sont sans doute prêts à prendre exemple sur Greta Thunberg et sa philosophie selon laquelle personne n’est trop petit pour changer les choses.
Des priorités différentes
Interrogés dans le cadre du rapport Hotwire concernant les thèmes qu’ils estiment comme étant les plus importants, arrivent en tête : « assurer la sécurité des enfants à l’école » (97 % des réponses), « faire en sorte que tout le monde mange à sa faim » (97 % des réponses), « que toutes les personnes soient traitées équitablement, peu importe leur apparence » (96 %) et « préserver l’environnement » (95 %).
Pour appuyer encore le thème de l’égalité, les résultats montrent une volonté manifeste de devenir père, chez les petits garçons. Un travail qui n’était pas si populaire chez les millennials ou les baby-boomers.
La déconstruction de tous les vieux clichés et la fluidité du genre que l’on observe chez les jeunes adultes d’aujourd’hui ne sont peut-être que le début. Les marques qui avaient pour habitude de mener des campagnes genrées devront peut-être revoir leurs méthodes. De gros changements se préparent.
Bien sûr, certaines aspirations demeurent inchangées. Les métiers tels qu’enseignant(e), médecin, policier(ère) et chanteur(euse) ont toujours la cote. Cependant, les alphas veulent devenir gardien(ne) de zoo, gameur(euse), paléontologue, YouTubeur(euse), Ninja Warrior ou même Président(e).
La Génération Alpha, influenceuse
À propos des YouTubeurs ou YouTubeuses, il serait laxiste de négliger la montée des enfants influenceurs tels que le jeune Ryan Kaji. À 8 ans, sa chaîne Ryan’s World compte plus de 20 millions d’abonnés, ce qui la hisse parmi le Top 100 des chaînes YouTube les plus suivies aux États-Unis.
Sujet controversé, cette chaîne s’appelait « Ryan ToysReview » jusqu’à il y a peu de temps, ce qu’a dénoncé le groupe de protection des consommateurs Truth in Advertising comme de la publicité déguisée auprès d’enfants en âge d’aller à l’école. Cela souligne le caractère sensible et la complexité de cette génération, que les marques auront grand-peine à cerner.
Malgré leur jeune âge, les alphas sont déjà en train de tout chambouler. Comprendre les opportunités croissantes et les défis qu’ils représentent implique de sortir « le grand jeu ». Par exemple, en faisant attention de ne pas exclure les clients plus âgés en ne s’adressant qu’aux alphas.
Il n’y a pas de réponse toute faite, même si « accueillez la diversité, pas la variété » semble être un bon point de départ. Et à l’inverse de certains alphas, vous ne pouvez pas vous permettre d’agir comme si vous étiez né hier.
Pour télécharger notre rapport, cliquez ici.
Par Virginie Puchaux, Directrice de l’agence Hotwire France