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Réalité virtuelle : quel avenir pour nos rapports sociaux ?

« Sommes-nous piégés dans des simulations ? » Par ses textes traitant du rapport entre l’humain et la technologie, son univers visuel empreint de la culture rétro-futuriste des années 1980 et ses arrangements synthétiques et électroniques, le huitième album du groupe britannique Muse, « Simulation Theory », évoque la difficulté croissante de l’Homme à s’extirper du monde virtuel avec lequel il interagit et l’anxiété sociale qui en découle. Quelques semaines après la sortie de cet album, Illucity, le premier parc d’attractions en réalité virtuelle de France venait d’ouvrir ses portes à Paris, au parc de la Villette. Cet espace, le plus grand d’Europe, permet depuis le 28 novembre à une trentaine de joueurs de s’amuser simultanément dans 20 expériences en réalité virtuelle (jeux d’arcade, films et escape game). Encore imprégné de mes dernières écoutes musicales et féru d’innovations en matière de gaming, j’ai voulu tenter l’expérience et ai ainsi enfilé un casque de réalité virtuelle pour la première fois.

Quatre-vingt-dix minutes plus tard, après avoir retiré ledit appareil, frotté fort mes yeux et étiré longuement mes jambes, des pensées mitigées me sont venues à l’esprit. L’immersion certes imparable qui résultait de cette expérience ne me semblait pas moins dangereuse – à long terme – pour nos relations sociales actuelles et leurs fondations. Les casques de réalité virtuelle et leurs applications sont accessibles au grand public depuis déjà plusieurs années. Et même si le phénomène croît, force est de constater qu’il ne s’est pas encore démocratisé dans le paysage du particulier, en témoignent les prix encore faramineux du matériel requis. Mais démocratisation ou non, plusieurs projets et études démontrent que la VR/VA est de nature à transformer nos liens sociaux de manière radicale.

En 2016, Philipe Rosedale, entrepreneur et fondateur du réseau social 3D Second Life, avait pourtant été clair dans ses ambitions. Il souhaitait créer un monde virtuel au sein duquel les utilisateurs pourraient vivre en société à l’aide de casque de réalité virtuelle, interagissant entre eux et créant du lien social via leur avatar rêvé. Investir sans limite dans ce dernier et ses relations sociales d’un côté, tout en délaissant la vie réelle de l’autre, a d’ailleurs été le scénario proposé par des productions hollywoodiennes telles que Ready Player One ou Matrix.

Vouloir se projeter ponctuellement dans le virtuel est naturel. En revanche, c’est la déconnexion progressive de la réalité et l’accumulation de mensonges qui sont de nature à provoquer une véritable isolation sociale, comme l’ont montré nombre d’études estimant que les personnes dépendantes aux réseaux sociaux souffraient davantage de dépression que les autres. Dans ce cadre, la réalité virtuelle n’est donc qu’un formidable tremplin pour les dangers observés dans l’utilisation excessive des réseaux sociaux. Dépression, isolement et exclusion sont ainsi les risques encourus, sans parler des contraintes financières qui s’imposent de plus en plus aux individus face à la marchandisation numérique des rapports sociaux, voire intimes.

Pour le moment, les relations sociales sur des plateformes VR mêlant communication, avatar, photos et vidéos à 360 degrés sont encore à l’amorce de leur développement. La version réalité virtuelle de Facebook, Facebook Spaces, propose aux utilisateurs depuis 2017 d’interagir, derrière des avatars peu réalistes pour l’instant, dans un environnement virtuel choisi. Mais sachant que de nombreux accessoires sont développés en VR afin de stimuler d’autres sens comme l’odorat, le toucher et même le goût, la perspective d’une immersion sociale totale dans une vie virtuelle est à portée de tir.

« Il suffit d’un acte de foi pour se réveiller de ces illusions. Tu es ton propre code et ton propre avatar ». Le titre clôturant le huitième album de Muse, « The Void », dépeint ainsi un avenir davantage teinté d’espoir que celui que j’imagine.