Vous en avez peut-être entendu parler, Amazon s’est récemment fait taper sur les doigts pour avoir eu en sa possession et conservé un accès aux données et vidéos recueillies par les produits de sa filiale Ring, qui commercialise des caméras de vidéosurveillance domestique.
Rachetée en février 2018 pour plus d’un milliard de dollars, l’entreprise a présenté sa gamme de caméras miniatures, conçues pour être utilisées « comme des sonnettes, installées sur des étagères ou dans les garages. Cela est non seulement une manière de garder un œil sur sa maison lorsque celle-ci est vide, mais également un moyen de créer une surveillance de quartier privatisée ».
Ce scénario n’est pas sans nous rappeler des épisodes dignes de Black Mirror dans lesquels la surveillance de masse à tous les niveaux a déjà été dépeinte de manière explicite.
Aujourd’hui, la vidéosurveillance, qu’elle soit publique ou domestique, pose de réelles questions sur la protection de notre vie privée. Est-ce que mon assistant domestique est actuellement en train de m’écouter, les caméras vont t’elles me reconnaître si je me promène dans la rue, y a-t-il un risque que cela fuite sur internet… ?
Autant de questions qu’il est tout à fait légitime de se poser avec la démultiplication des différents appareils dotés de caméras.
Mais ce qui semble être un scénario catastrophe pour certains existe malheureusement déjà. A Nice, les caméras situées dans les tramways pratiquent la reconnaissance faciale et émotionnelle pour détecter d’éventuelles anomalies. En Chine, la vidéosurveillance a atteint un tel niveau de développement et de sophistication que certains parlent désormais d’un État « Big Brother ». Le pays développe des systèmes intelligents, capables de reconnaissance faciale et permettant ainsi de mieux contrôler les faits et gestes de la population.
Pour en revenir ou nous en étions, le problème sur lequel Amazon a du rendre des comptes, c’est que toutes les données enregistrées par chacune des caméras Ring, placées dans les jardins ou les allées de garage, étaient à portée de clic de nombreuses personnes n’étant pas supposées y avoir accès.
Le média Américain « the intercept » a dévoilé que « Ring aurait fourni à ses équipes ukrainiennes un accès virtuellement illimité à un dossier stocké sur le cloud d’Amazon contenant toutes les vidéos capturées par toutes les caméras du monde entier ». Pire encore, aucun cryptage n’était appliqué à ces fichiers.
On aurait pu être indulgent en pensant que tout le monde a droit à l’erreur mais cela n’était pas un bug ou un oubli, mais bel et bien un choix économique délibéré de Ring, dont les dirigeants pensaient qu’une telle protection abaisserait sa rentabilité.
Un accès complet au flux vidéo de tous les utilisateurs de ces caméras a également été donné à certains ingénieurs et responsables hauts gradés de la compagnie : il leur suffisait d’avoir en leur possession l’adresse mail de la personne en question pour visionner, sans restriction aucune, l’intégralité de ce qui était enregistré chez elle. Cela semble plutôt aberrant aux premiers abords non ? Mais c’était sans compter sur la justification de la société. En effet, les ingénieurs auraient visionné manuellement toutes les vidéos réalisées par la startup car l’intelligence artificielle des caméras ne parvenait pas à assumer ses tâches.
N’aurait-il pas alors été plus sage de lancer son produit une fois toutes les vérifications nécessaires faites et en s’étant assuré que tout était fonctionnel ?
Cette polémique vient entretenir le scepticisme de plus en plus omniprésent autour de la domotique et renforce le sentiment d’être constamment surveillé par une ou plusieurs entités. Cela remet aussi en cause la réussite future des produits de domotiques, quelle que soit l’entreprise qui les propose.
En tant qu’entreprise, la question des données personnelles est maintenant au cœur des préoccupations des consommateurs et la mauvaise gestion & transparence quant à l’utilisation des données est la plus mauvaise communication possible. Le plus fonctionnel et design des produits technologiques ne parviendra pas à percer si la politique autour des données personnelles n’est pas claire. Alors conseil numéro 1 : la RGPD pour les européens n’est pas qu’une formalité. Conseil numéro 2, la transparence. Conseil numéro 3: Dans le lancement d’un produit de domotique ou connecté, posez-vous la question à savoir si vous l’installeriez chez vous, au risque de voir toute sa vie privée exposée sur le web. Si la réponse est non, alors la cible aura le même scepticisme. Mieux vaut parfois décaler un lancement plutôt que risquer détruire toute la réputation de l’entreprise pour une erreur de conformité.
Le progrès technologique est toujours une bonne idée, dès lors qu’il est maîtrisé, et responsable !